Experts sous influence? Quand la non-divulgation des conflits d’intérêts met à risque la confiance du public

Abstract

L’érosion actuelle de la confiance du public envers les campagnes de vaccination et les décisions de politiques publiques qui y sont associées, aggravée par des scandales comme ceux relatifs à la pandémie H1N1 et l’utilisation du Tamiflu™, risque de diminuer de façon significative l’efficacité de ces interventions importantes pour la santé publique. Un manque de confiance de la population envers les acteurs de santé publique peut conduire à une méfiance accrue face aux interventions, pouvant ainsi compromettre l’atteinte des objectifs recherchés par une intervention spécifique et, conséquemment, avoir un impact important sur les bénéfices attendus pour la population visée par cette intervention. Dans la production des avis d’experts, les membres des comités consultatifs d’experts en immunisation (CCEI) peuvent avoir une influence importante sur la prise de décision publique, notamment, sur la sélection par les décideurs de santé publique de vaccins en particulier et la façon dont les campagnes de vaccination seront déployées. En contrepartie de cette influence sur les décisions publiques, une indépendance et une transparence sont attendues de leur part puisque des mécanismes de divulgation et de gestion de conflits d’intérêts (CI) imparfaits peuvent affecter négativement la confiance du public à l’égard de telles décisions. Il apparaît donc important de s’assurer que des mécanismes de gestion des CI, transparents et robustes, existent pour ces comités. Dans cette étude, les avis ou rapports d’évaluation de la pertinence de la vaccination préparés par un CCEI au Québec ont été examinés pour quatre types de maladies évitables par la vaccination (infections invasives à méningocoques et à pneumocoques, coqueluche et virus du papillome humain). Le but était de : 1) identifier les CI divulgués par les membres du CCEI dans leurs rapports comparativement à ceux déclarés dans leurs publications scientifiques pour ces mêmes infections ; 2) analyser la nature des CI (réel, potentiel, apparent, personnel, financier, institutionnel, etc.) et l’impact potentiel (risque) sur la prise de décision impartiale et sur la confiance du public ; et 3) évaluer les mécanismes de gestion de CI actuellement utilisés par ce CCEI. Les résultats de cette étude montrent que très peu de rapports du CCEI contiennent une section sur les CI par rapport à la pléthore divulguée dans les publications scientifiques publiées par les membres du CCEI. De plus, les CI divulgués dans les rapports fréquemment ne correspondent pas à ceux décrits dans les publications scientifiques. Il serait donc important d’introduire des mesures visant à accroître la transparence des experts en immunisation et d’améliorer les mécanismes de divulgation et de gestion des CI afin de veiller à ce que la confiance du public envers les décideurs en santé publique soit maintenue et améliorée.

Publication
In Hervé C, Stanton Jean M & Mamzer M-F (eds.), Autour de l’intégrité scientifique, la loyauté, et la probité : aspects clinique, éthiques et juridiques. Paris, Dalloz.
Date